DAVID (Dne. Jean)
Séguret - Rhône méridionnal
Jean-Luc Auffret
Vallée du Rhône
The producer
On marchait, dans l’hiver cristalin du Midi, quand l’air, sous le souffle du vent, s’épure de sa légère humdité, de ses poussières flottantes.
On accédait à la parcelle des couchants par un petit chemin bordé d’oliviers, de quelques pieds d’alicante. Sur notre droite un petit cabanon de planches avec à la balustrade un charmant cheval et un âne. Juste derrière, les vignes, de vieux ceps septuagénaires. D’autres plus agés. Beaucoup de manquants.
“Tu vas remettre quelques jeunes pieds?”
“Peut-être. Mais tu sais le vin ce n’est pas tout ! On ne parle plus que des vignes en côteaux, les vins riches, la puissance. Alors oui, je devrais replanter. Mais regarde, j’ai mon cheval et mon âne, il faut bien qu’ils aient un peu de place eux aussi…”
Un petit parcours se glisse hors du cabanon pour arpenter les vignes. Heureux chevaux. Les yeux dans les corps noueux des Couchants.
Ainsi non, il n’est pas nécéssaire de toujours désirer l’excellence, l’ultime, le plus grand vin, le plus beau coteau. Il y a d’abord l’équilibre. L’équilibre du vin. Celui du vigneron, dans sa vie, au milieu de ses vignes, des hommes, du monde. Martine et Jean sont ainsi, faits d’amour, de tendresse de présence à l’instant. Et leurs vins sont à leur image. Justes, dépouillés de toute ambition, de toute séduction ostentatoire, de toute démonstration. Des vins vrais, des vins faits pour être bus, et qui se boivent, avec un plaisir simple, un plaisir qui vient du fond du coeur.
Alors on ouvre un Séguret et puis l’on peut parler, parler d’autre chose que du vin. Parler des oliviers, de ces merveilleux arbres qui vont jusqu’au sommet du Mont Greboun au Niger, de ces arbres qui entourent leur maison et auquel Jean est si attaché, de ces arbres complantés de vignes autrefois sur les coteaux de Nyons.
Et puis Jean évoque un souhait, à la manière d’un enfant, d’un jour avoir une pièce de bois, un vieux foudre, une forme de rève, qu’importe qu’il se réalise un jour. Voilà trente ans qu’il travaille en cuves ciments, il aime ça et n’a pas de regrets, juste des petits yeux plissés perdus dans le lointain sur un foudre imposant et digne.
Le soir arrive avec sa lumière rasante. Nous parcourons encore les vignes, au pied du village cette fois. Et nous voyons comme celles du domaine sont vigoureuses, avec un sol vivant. Contraste saisissant avec des parcelles avoisinantes où des pieds moribonds luttent contre la mousse et le lierre, affaissés sur des sols érodés, inertes. La campagne est silencieuse et dessinée, avec ses trois collines qui se découpent sur le ciel froid du crépuscule.
Jean nous enmène boire une bouteille de Couchants 2000. Que le cheval et l’âne gardent raison à leur maitre, et qu’il nous offre encore et encore de tels vins.